dimanche 22 mars 2020

Entretien avec un virus


Journaliste : Bonjour à tous et à toutes. Aujourd'hui nous avons décidé de donner la parole à un invité hors norme vous en conviendrez et qui en cette période de confinement, a tenu à s'exprimer pour nous offrir je le cite, "une lueur d'espoir". Alors même si je pense qu'aujourd'hui tout le monde vous connait et ne vous apprécie guerre guère, allez-y, c'est à vous.
Corona : Bonjour et avant toute chose, laissez-moi vous remercier de m'accueillir aujourd'hui.
Journaliste : Pardonnez-moi, "Accueillir" est peut-être un bien grand mot mais je vous en prie, continuez.
Corona : Je m'appelle Corona, Corona Virus. Il y a encore quelques mois, vous ignoriez mon existence mais pour beaucoup d'entre vous, vous connaissiez déjà plusieurs membres de ma famille comme la Grippe ou l'Angine. Je suis donc le petit dernier, originaire de Chine où j'ai pu faire avec succès mes premiers pas. Ce n'est pas pour me vanter mais je suis plutôt du genre précoce.
Journaliste : Effectivement vous venez de Chine et je voudrais que l'on s'arrête un moment là-dessus. Pourquoi la Chine ? Qu'est-ce qui a guidé votre choix ?
Corona : Oh, he bien c'est très simple : s'introduire avec autant de facilité au sein de la première puissance économique mondiale me paraissait tellement symbolique. A ce titre, je voudrais revenir sur votre remarque concernant votre accueil. J'insiste, vous m'avez accueilli à bras ouverts. Vous avez fait de moi une star internationale en deux temps trois mouvements et je vous en remercie . Ne vous inquiétez pas, j'ai conscience que cette célébrité n'aura qu'un temps, une sorte de popularité à la sauce "Corona Story". Mais croyez-moi, vous n'avez pas su prendre la mesure de ce qui se déroulait en Chine.
Journaliste : Je ne peux pas vous laisser dire cela. Nous avons suivi avec énormément d'attention les premiers signes de l'épidémie ; nous avons rapidement procédé à des rapatriements, des confinement dans le sud de France. Vous êtes décidément excessif !
Corona : Moi excessif ? Peut-être qu'effectivement je le deviens au fil des jours mais vous ne pouvez pas le nier, je me suis époumoné à vous prévenir. Pourquoi croyez-vous que ma seconde cible se soit portée sur l'Italie ? Pour ne rien vous cacher, je me sens proche de la mentalité italienne : je suis plutôt du genre tactile et un tantinet nerveux. Au delà de l'intérêt culturel que je porte pour ce pays, j'ai voulu me glisser là, tout près de vous, pour que vous réagissiez, pour vous faire comprendre que la Dolce Vita ça n'a qu'un temps, ça se mérite.
Journaliste : A vous entendre on a vraiment le sentiment que tout est calculé, que vous déroulez un plan d'actions mûrement réfléchi.
Corona : Mais c'est tout à fait cela, appelez-moi "El Professor" comme dans "La Casa de Papel" ; oui parce que je suis fan de séries Netflix et je puis vous garantir que je vais faire l'objet d'un nombre incalculable de futurs scénarios. Oserais-je jusqu'à prétendre que je suis investi d'une mission divine ?
Journaliste : Corona vous avez bu, vous êtes sérieux ? Est-ce que vous vous rendez compte de la souffrance et de la peur que vous provoquez ?
Corona : Bien sûr que je m'en rends compte et je vais même vous dire, je ne regrette absolument rien. Voyez-moi comme une sonnette d'alarme. C'est votre planète qui ne respirait plus, qui était au bord de l'asphyxie. Vous étiez vous même en phase d'auto-destruction et refusiez de voir la réalité en face. Je suis en train de vous faire vivre ce que vous faites subir à votre terre.
Journaliste : Vous ne pensez tout de même pas que nous allons vous remercier pour cette prise de conscience ?!
Corona : Maintenant non. Vous n'avez pas suffisamment de recul. Mais plus tard oui, j'en suis sûr faites-moi confiance.
Journaliste : Vous abusez, comment osez-vous parler de confiance alors qu'à cause de vous, nous sommes en train de perdre tous nos repères, que nous devons réinventer notre vie au quotidien et que des gens meurent par milliers ?
Corona : Et quoi ? Je vous donne l'opportunité de vous retrouver vous-mêmes, de tout simplement prendre le temps, de vous écouter, de partager, de vous préoccuper de votre entourage, de vous réconcilier avant qu'il ne soit trop tard, de réaliser que certaines personnes vous manquent, de ne plus faire preuve de cette pudeur maladive qui vous empêche d'exprimer vos sentiments, de regarder dehors et de réaliser que la nature est magique, de constater le ciel vierge de toute rature aérienne, de prendre conscience de ce cadeau qu'est la vie ?
Journaliste : Ah parce que vous croyez que nous sommes TOUS en train de méditer sur la vie ? Vous croyez que dans les hôpitaux, le corps médical se tourne les pouces ? Ils sont terrorisés, épuisés et ont envie d'en découdre avec toi, de te faire la peau.
Corona : Ah on se tutoie maintenant ?
Journaliste : Oui je te tutoie parce que tu me pousses à bout, tu nous obsèdes, t'es partout, tu...
Corona : Houla l'ami, tout doux, respire, reprends ton souffle. Je sais que ce que vous vivez est une véritable épreuve, totalement inédite qui plus est ; mais si j'ai un seul conseil à te donner, c'est de ne pas céder à la panique. Il est trop tard pour se lamenter ; vous devez apprendre à vivre avec moi à présent et respecter les fameux gestes barrières pour éviter ma propagation. Et un jour, je ne serai plus qu'un mauvais souvenir.
Journaliste : Corona Virus, nous arrivons au terme de notre entretien et j'avoue que je ne sais plus trop quoi penser ; très franchement j'ai du mal à percevoir la moindre lueur d'espoir
Corona : D'ici quelques semaines, lorsque vous m'aurez exterminé, vous réaliserez qu'il n'y a plus une minute à perdre. Il y aura l'avant et l'après Corona Virus et le mot "PRIORITÉ" sera le poumon de toutes les réflexions qu'elles soient humaines, politiques, scientifiques, économiques et sociétales. Vous corrigerez ainsi certaines de vos erreurs passées, reconsidérez votre mode de vie et permettrez à votre terre d'éviter la pneumonie fatale.
Journaliste : Corona Virus, je ne te dis pas à bientôt. J'espère sincèrement que nous n'aurons pas l'occasion de nous recroiser. Quant à vous très cher confinés, prenez soin de vous, restez chez vous. Et n'oubliez pas qu'en adoptant ce comportement, vous aidez et soulagez tous nos super-héros qui se battent au quotidien pour nous.

#restezalamaison  







dimanche 19 janvier 2020

Speed reading ou jamais sans mon livre #4






Un matin ordinaire - Marjorie Tixier
Un marathon  vers la vie

En septembre 2018, je vous avais déjà parlé de ce livre acheté pour ma liseuse à seulement 0,99 € dans le cadre d'une opération promo de la plateforme Editeurs @Librinova. A l'époque, l'auteure Marjorie Tixier avait été la grande gagnante du concours d'écriture lancé par Librinova sur le thème "Un merveilleux malheur" ou comment rebondir après un événement catégorie insurmontable.
Je profite donc de la sortie papier le 9 janvier de ce roman publié par Fleuve Editions prestigieuse maison d'édition traditionnelle, pour re déposer quelques mots à son sujet. Pour ce faire, j'ai relu cette nouvelle version  avec énormément de plaisir.

Quelle claque ! Quel talent ! L’histoire d’une femme qui au cours d'un running en forêt, fait une mauvaise rencontre… 
Le lecteur progresse dans l’histoire, grâce aux narrateurs qui diffèrent à chaque chapitre,  tantôt  la victime, son père, son mari, ses deux filles, la  voisine, le policier et sa conjointe, l’agresseur lui-même ainsi que sa femme. C'est ce qu'on appelle "un roman choral" et l'on "écoute" cette histoire avec beaucoup d'attention ainsi qu'une large palette d'émotions.

Chaque personnage y va de sa version, de sa perception, son interprétation. Le procédé est génialement utilisé : comme dans une pièce de théâtre, on découvre progressivement le déroulé exact des évènements, le rôle et le ressenti de chacun et surtout ce que l’accident de parcours aussi sordide soit-il, développe de positif  et de bénéfique pour l’ensemble des protagonistes. Et ce qu’il y a de plus fort, c’est la capacité de l’auteure à nous mettre successivement dans la peau d’une femme violée et d’une mère vidée qui malgré tout essaie de faire bonne figure, d’une voisine aigrie par la solitude, un peu vulgaire, hyper commère, d’un mari introverti timide et manquant d’initiatives, de deux filles aux caractères si opposés, d’un père et grand-père fragile mais qui recolle les morceaux… Le style est vif, percutant, le vocabulaire choisi en fonction de la personnalité de chaque narrateur.
Au delà d'un fait divers malheureusement trop souvent d'actualité, ce roman traite des relations humaines et de leur complexité mais également du regard de l'autre qu'il soit adulte ou enfant. Marjorie Tixier décortique de façon chirurgicale les "états d'âme" de chacun.
Ce livre, vous l'aurez compris, est réellement bluffant par son intensité, son style, son rythme et les ondes positives déposées délicatement au fil des pages. 

Alors en ce début d'année, si vous n'avez pas encore de résolutions, prenez au moins celle de vous faire plaisir et laissez-moi vous présenter par l'intermédiaire de ce premier post 2020, tous mes voeux de belles lectures pour cette nouvelle année.