Quand tu commences à dire que "tu as passé l’âge de ces conneries" ou "qu’on n’a pas à te dire ce que tu as à faire" ou encore que "c’est bon tu as suffisamment donné, il est temps de penser à toi", j’ai le regret (ou l’honneur) de t’annoncer que tu as sans doute basculé dans un âge cahin quinqua". Rassure-toi, ce n’est pas si grave mais parfois c’est mieux de le savoir pour éviter de passer pour un vieux beau (formulation féminine inexistante et c'est tant mieux), qui n’assume pas son âge ou qui se rend ridicule en essayant de paraître plus jeune avec l’usage d’un vocabulaire relou : "ça va les d'jeuns, on s’éclate ?" Tu as du mal à savoir si tu fais partie de cette catégorie cahin-quinqua ? Laisse-moi t’aider, certains signes révélateurs sont visibles dans ton propre quotidien.
Commençons par tes nuits, quelle est la qualité de ton sommeil ? Tu es un homme : tu ne comprends pas, ta vessie a dû rétrécir car te voilà obligé de te lever plusieurs fois par nuit. N’oublies pas de chausser tes lunettes pour une visée optimale vers la cible, même si progressive rapport à tes verres. Tu t’éviteras ainsi des remontrances matinales de bobonne excédée.
Tu es une femme : tu es sujette aux réveils systématiques à 2h47 qui se prolongent par une insomnie empreinte de sueurs nocturnes dignes d’une mousson tropicale.
Tu n’es peut-être pas concerné(e), mais pour certain(e)s d’entre nous, la grasse matinée est un souvenir plus que lointain : le réveil n’a pas encore sonné que tu as les yeux grands ouverts tel un lapin la nuit, immobilisé devant les phares d’une voiture. Toute tentative pour te rendormir est inenvisageable car vouée à un incontournable échec. Mais comme il est quand même trop tôt pour se lever, tu chausses tes lunettes et te munis de ton téléphone qui t’impose sur ton fil, des publicités plus que vexantes : yoga sur chaise pour perdre du poids, complément alimentaires pour atténuer les effets de la ménopause, assurance obsèques et mutuelles en tout genre. Allez, tu finis par sortir du lit, et tu choisis pour cette journée une tenue "pratique" ou "confort": tu es mûr(e) pour voir ta boite aux lettres bombardée de prospectus Damart ou Mephisto.
Tu t’apprêtes à partir mais tu ne sais plus où tu as mis ton sac ; tu t’agaces et tu jures à haute voix, parce que tu aimes de plus en plus parler tout haut même si tu es seul(e). Tu retrouves ton sac parfois dans un endroit improbable et c’est forcément que quelqu’un l’a déplacé sans t’en informer. Laisse moi te rappeler que cet argument ne tient pas la route si tu vis seul(e).
En voiture, dès que tu passes devant un panneau, tu les déclames pour en faire profiter tes congénaires d’automobile, car ces informations sont exaltantes : "oh tiens, déviation à 100 mètres au prochain croisement", "boulangerie artisanale au feu de bois ? c'est pas commun".
Au bureau, tu ne comprends pas tous les mots que tes jeunes collègues emploient : "J’tais en mode whaou, mais en fait, de base, mdr, c’est un charo qui fait tout en soumsoum". Parfois tu comprends leur humour mais pas tout suite et tu ris en décalé comme un mauvais duplex. Tu sors des vannes qui les offusque et tu leur lâches un : "de toute façon avec votre génération, on peut plus rien dire". Là tu es vraiment à la frontière de l’humour qui te vaudra en réponse : "Chuis choquée". Mais tu es un peu leur maman et ce rôle ne te déplait pas totalement, parce que comme elles savent te le dirent avec tellement de tact : "c’est un peu grâce à nous si tu restes jeune". Néanmoins, Tu ne comprends pas les vocaux au même titre qu’elles ne connaissent pas le répondeur.
Lorsque tu échanges avec ton fils, tu cumules de plus en plus ses réponses excédées du style :
"Mais Maman tu me l'as déjà dit hier !
Toi en pleine crise de mauvaise foi : "Oui je le sais parfaitement mais je préfères te le répéter".
Quand tu rentres le soir et que tu t’affales dans ton canapé, tu émets un son vocal de satisfaction. Pour te relever tu en manifesteras un autre pour signifier que "la terre est basse". Tu es fatiguée alors qu’il n’est que 22 heures mais tu veux quand même avancer un p’tit quart d’heure sur ton nouveau puzzle de 1 000 pièces.
Si tu évites les sorties en semaine, tu n’es pas contre un dîner au cours du week-end pour raconter à tes amis que tu as eu la chance d’aller voir la dernière pièce de théâtre qui s’appelle comment déjà, mais si enfin, tu sais, celle avec cet acteur super beau qui joue dans la série qui a fait un carton cet été et qui se passe en Bretagne enfin non, en Grande-Bretagne.
Le dîner se poursuit mais parfois les conversations parallèles te déstabilisent, le brouhaha t’indispose. C’est dommage, les échanges étaient captivants : à ta droite on parle de coloscopie, sur ta gauche la prostate fait de la résistance et en face, la bipolarité éveille les consciences.
Tu ne rentreras pas trop tard parce que tu sais que sinon, il te faudra deux jours pour t’en remettre.
Voilà, il existe certainement d’autres signes de l'âge cahin-quinqua, mais je n’ai pas la prétention de les connaitre tous et c’est peut-être un mal pour un bien. Et si tu ne cumules pas tous ces signaux, ne t’inquiètes pas, ton tour viendra ou pas . En attendant je connais pour ma part l'âge cahin- quinqua depuis maintenant 5 ans et malgré une description de signaux qui peuvent au premier abord effrayer, je partage à 100% l’avis de la célèbre sociologue Florence Foresti : "50 ans c’est merveilleux, c’est l’adolescence avec une carte bleue".

