samedi 28 octobre 2023

Chronique d'un aspirateur dénoncé

Copyright "Les Gourdasses"

Oh je sais très bien ce que vous vous dites après la lecture du titre : "elle ne va quand même pas nous faire un sujet de mé(na)gère quinqua ?!" Ou plus prosaïquement : "ça y est elle a définitivement pété un fusible". Alors je vous rassure, mes connexions internes se portent à merveille (enfin je crois) et oui je vais vous parler de mon aspirateur parce qu’il a intégré la catégorie ennemi public numéro un dans mon appartement. 

Lui et moi entretenons une relation régulière depuis plusieurs années à une fréquence moyenne hebdomadaire et le temps n’arrange pas les choses, bien au contraire. Nous ressemblons à un vieux couple qui ne peut plus se supporter mais qui en même temps, ne peut se passer l’un de l’autre. J’ai besoin de lui pour conserver un environnement sweet-home et lui de moi, pour le sortir de son placard dans lequel il est incarcéré en semaine, contorsionné entre la table à repasser et l’escabeau. 

Je redoute ce moment où j’ouvre la porte du placard pour le sortir et relier le tube flexible avec la partie dite traîneau ; je sais qu’en contrepartie d’aspirer, il va m’en faire baver. Tout commence une fois que la bête est branchée. Le faire (péniblement) rouler en tirant sur son flexible, se termine par un blocage des roulettes contre son propre fil électrique ; ou alors, le traîneau se retrouve sur le dos comme Caroline la tortue (on ne va pas se mentir, les tortues s’appellent toujours Caroline). Cette tortue aspirante en profite bien entendu pour rayer au passage le parquet avec sa carapace en plastique. Je sens à cet instant une pointe d’énervement se former dans mon cerveau alors que jusqu’ici, ma séance de ménage se déroulait sous les meilleures auspices : équipée de mes airpods, je vaquais à cette activité en me délectant du podcast des Grosses Têtes (@ruquierlaurent, @lesgrossestetes) téléchargé pour l’occasion. Et là vous vous dites que je suis réellement rentrée dans le cliché parfait de la ménagère quasi ménopausée mais je vous signale que des jeunes écoutent également cette émission. Alors oui, ce n'est pas forcément la majorité des auditeurs mais quand même, ça (me) fait du bien de le mentionner (#jeunesseéternelle). 

Ce constat étant fait, revenons en à nos moutons enfin ceux que mon aspirateur est censé avaler. Pourquoi faut-il que l'élément brosse à aspirer refuse régulièrement d’épouser l’orientation du sol, ce qui nous oblige à faire des gestes amples avec ce p… de manche, pour que la partie balai aspirateur se retrouve dans l’axe du sol ? Régulièrement en pratiquant cette manipulation, je ne manque pas de me cogner un bras ou un coude contre un meuble. Cette douleur sans importance débloque tout de même un nouveau palier d’énervement que je parviens à maîtriser en pratiquant sur moi même 2 ou 3 inspirations/expirations à la mode @petitbambou_fr). J’en profite également pour monter le son des Grosses Têtes, quitte à être aspirée par les coups de gueule corses et corsés de Christine Bravo (@christinebravotourdumonde) ou le rire hystérique communicatif de Yoann Riou (@yoannriou). Je reprends donc mon labeur avec mon aspirateur qui parfois sans aucune raison, refuse d’avaler une simple poussière. Et puis inversement alors que je ne m’y attends plus,  un objet non identifié mais au son bien distinct, parcourt le tube, signe qu’un corps lourd étranger se trouve à présent dans l’estomac de l’appareil. Alors par acquis de conscience d’un trésor pris au piège de l’animal, j’appuie une fois ou deux sur le bouton OFF (pour je ne sais quelle raison, l'appareil ne s’éteint que très rarement dès la première pression), j’ouvre le capot du traîneau et farfouille au milieu des divers corps poussiéreux présents dans ses entrailles. Ma main dégoutée au milieu de cette amas mou comme une toile d’araignée gigantesque, finit par tomber sur un capuchon BIC (mâchonné bien évidemment)… Tout ça pour ça.

Je passe d’une pièce à l’autre en débranchant/rebranchant le traineau quitte à me péter le dos (fais gaffe tu n’as plus l’âge). Parfois je décide de caler le tube télescopique et son flexible contre le mur, le temps de ranger un truc annexe. Pourquoi faut-il que ce tube perde l'équilibre et finisse par basculer sur le sol en prenant le soin d’embarquer dans sa chute un objet de préférence cassable ? Je suis présentement en zone rouge de mon quota d’agacement, ce qui déclenche une injure prononcée rageusement à haute voix et qui couvre le contenu de la valise RTL (@RTL) ; en même temps je te rappelle que tu écoutes un replay : ces déconvenues successives avec mon aspirateur semblent me faire perdre la raison (#volaudessusdunnidepoussières). 

Je termine mon ménage et essaie de placer l’engin dans un endroit non gênant avant de l’utiliser une dernière fois. Systématiquement il encombre la pièce, s’étend volontairement de tout son flexible pour bien me faire comprendre qu’il est maître des lieux et que face à lui je ne suis que …poussière. Je m’y cogne, me prends le pied dans le fil et atteins les limites de ma zone d’inconfort. Alors quand vient le moment du rangement, je passe en mode soulagement malheureusement vite balayé par l’épreuve du fil qui refuse de s’enrouler correctement malgré les appuis répétés sur la pédale prévue à cette effet.

A ce stade, j’en arrive à penser que mon aspirateur me fait payer sa vie de cachot du reste de la semaine. Effrayée par cette idée, j’ai donc interrogé mon cercle d’amies proches pour savoir si j’étais une tortionnaire et le constat est sans appel : l’aspirateur est systématiquement coincé voire démembré dans un placard ou cagibi, réduit à son plus simple appareil pour occuper un espace insuffisant mais qui devra faire l’affaire, parce qu’il n’y a jamais davantage de place ailleurs. 

A ce jour, je reste sans solution et qu’on ne me parle pas de « Dys-bip » au prix exorbitant et dont l’efficacité face au bon vieux modèle traineau reste relative (le modèle traineau équipe à ce jour 3 foyers sur 4 , parfaitement Madame ou Monsieur #fucklesmachos). Je n’ai donc à date pas de recette miracle pour contrer cette poussée d’hormones hystériques invasives. Mais je me dis qu’à 53 balais et des poussières, je devrais mettre tous ces petits tracas sous le tapis ou dans un sac et aspirer à plus de sérénité. 

samedi 14 octobre 2023

Eloge de la plage des Sabias en été (Ile d’YEU)



Lorsque je peine à m’endormir ou en cas d’insomnie, je dispose d’un remède infaillible : je ne compte pas les moutons mais j’ouvre le tiroir YEU de mon cerveau et je sélectionne Plage des Sabias. Les images, sons et odeurs que mes neurones conservent précieusement, me permettent de m’apaiser et de retrouver le chemin du sommeil.

Je côtoie cette plage depuis une cinquantaine d’années grâce au choix merve’YEU de mes parents d’installer leur résidence secondaire à l’ile d’YEU dans le village de Ker Chauvineau. J’ai grandi avec elle, qui représente à mes yeux et dans mon coeur, la plus belle plage de l’ile par sa beauté naturelle mais également par son atmosphère unique en son genre, ainsi que les souvenirs qui vont avec.


C’est une plage paisiblement accessible avec cette route en pente douce permanente depuis Ker Chauvineau. Qui n’a pas fait la course à bicyclette sur cette ligne droite tentatrice ? Qui n’a pas essayé de s’accrocher à l’arrière du petit train dont la lenteur nous freine dans notre élan ?

Puis vient le dernier virage qui ouvre cette perpective du Vieux Château qui paradoxalement ne prend pas une ride. La plage au sable clair accompagnée de son eau scintillante fait son apparition, alors que le freinage dans la descente s’impose, pour garer sa monture. Sur le bord de la route, les cabanes blanches islaises parfaitement entretenues, semblent veiller sur elle, de leur fenêtre borgne. Derrière ces cabanons, la petite maison aux volets bleus, avec sa grande fenêtre arrondie sur le haut, constitue mon fantasme de lieu idéal, pour trouver l’inspiration d’une écriture parfaite. A l’intérieur devant la fenêtre, j’imagine un écrivain penché sur  sa machine à écrire Remington qui absorbe les mots dictés par une vue de château.

Puis un peu plus haut dans la lande, la pointe du Châtelet et son imposante croix, semblent vouloir nous sensibiliser à la mer et sa dangerosité encore trop naïvement insoupçonnée.  


L’été, comme les occupants de cette plage, la mer prend souvent des congés d’agitation : sur ce rivage blottie entre deux barres de roches, le vent n’est que très rarement convié et incite les vagues à vivre une sorte de chômage technique. En plus d’être nonchalantes, elles sont quasi inexistantes et terminent leur bref parcours de vie sur le sable ou sur nos pieds, sans l’once d’une agressivité.

Même les bateaux de plaisance ne s’y trompent pas, cette anse constitue le mouillage absolu. La cohabitation avec les embarcations des pêcheurs à la journée, se fait sans vagues sous le contrôle des Ours, groupe de rochers parfaitement visible à marée basse et qui par son emplacement central, signe la limite de cette baie idéale. 


Il est bien loin le temps où nous pouvions savourer le calme d’une plage encore peu connue des estivants. Je me souviens de cette époque où nous arrivions dès 13h, pour partager en familles des pique-niques 4 étoiles, aux desserts composés de feuilletés, chaussons brisés et autres spécialités islaises inégalées (@lapatisseriemousnier). A cette heure, la plage nous appartenait. Les familles islaises, des femmes majoritairement (les hommes étant en pêche), débarquaient vers 16h en tribu, accompagnées d’une cargaison d’enfants tous plus bronzés les uns que les autres. Les groupes s’installaient toujours au même endroit, comme si la plage avait ses emplacements réservés. On plantait les parasols, on calait les fauteuils dans le sable et ça discutait sec, en tricotant gaiement. Du haut de mes quelques années,  allongée sur ma serviette, je prenais, je l’avoue, un délicieux plaisir à tenter de décrypter le patois vendéen débité à la vitesse de l’Amporelle (vitesse toute relative mais ceux qui ont connu les traversées dans l’Auguste Durand ou la Vendée, comprennent  la comparaison) @yeucontinent.


Les années passant, cette plage au grand calme s’est vue progressivement colonisée par toutes ces familles d’estivants à la recherche d’espace de jeux, et de mares à crevettes pour leur progéniture. Les recoins, piscinettes d’eau salée, petits et grands rochers se révèlent à marée basse et prennent leur rôle de Super Nounou, au grand bonheur des parents qui en profitent pour tenter la baignade. Encore faut-il passer par le supplice des pieds, causé par la bande de cailloux qui ralentit la progression vers cette eau jugée parfois trop fraîche.  

Mais quel bonheur ensuite de rentrer progressivement dans cette mer translucide, en pente douce. On en vient même à apprécier ces rochers sablonneux recouverts d’algues vertes aux allures de salade qui, dans l’eau, apaisent les plantes des pieds encore endolories de la descente caillouteuse.

On se fixe le défi de nager jusqu’au petit bateau de pêcheurs amateurs, le Paul Arthur, nom composé des prénoms des petits fils de ces deux familles qui partagent depuis un demi siècle, le même amour inconditionnel pour l’ile d’YEU et qui collectionne une marée de souvenirs à fort coefficient.

 

Tous les enfants sont rois sur cette plage facile et leurs cris sont parfois mis en sourdine par le survol des avions de tourisme dont la piste d’atterrissage se situe dans l’axe des Sabias. Même habitués, on continue à trouver que cet avion aux lettres et chiffres que l’on peut lire trop distinctement sous ses ailes, vole décidément à très basse altitude. 

Quand le soleil commence à baisser sa garde et que l’heure du dessalage/dessablage des petits est proche, la plage se vide d’un coup. Le camion snack remballe ses glaces rescapées de la cohue du goûter.  Les chanceux, encore inconscients de leurs flopées de coups de soleil, peuvent à présent pleinement profiter de jeux de plage ou d’une ultime baignade facilement atteignable à la marée montante. Les groupes de jeunes ados, allongés en étoile de mer, organisent le rendez-vous du soir sur le port. La lumière est sublime, apaisante et transmet ses reflets sur les visages rayonnants.    

Le château sur son promontoire de roche, revêt sa teinte orange inimitable . Les bateaux ivres de soleil et de sel, rentrent de leur partie de pêche. Ils sont parfois suivis par une horde de goélands bruyants qui se battent même en l’air pour tenter de récupérer un morceau du butin.  L’arrivée des pêcheurs en canot sur la plage est parfois périlleuse ; il faut gérer la fourberie des vaguelettes, pour éviter la chute en descendant de la barque. Quelques baigneurs curieux viennent à la rencontre des pêcheurs qui remontent leur annexe vers le haut de la plage. A cet endroit, les petites embarcations se retrouvent collées serrées et semblent partager les exploits de la journée passée. On montre discrètement le contenu de la pêche miraculeuse, enfouie dans un sac Super U pour ne pas attirer l’attention : maquereaux, congres, bars et même parfois, on peut apercevoir les antennes d’un homard….


Du coté des cabanes islaises, les barbecues s’affairent : les première effluves de fenouil sauvage et de poissons grillées, chatouillent nos narines alors que nous nous apprêtons à remonter sur nos vélos. On resterait bien avec les habitants de l’Ile, pour partager un verre et discuter ensemble du temps qu’il fera demain.  Mais tout naturellement, les vacanciers s’éclipsent pour laisser aux islais le privilège de savourer le calme retrouvé et le spectacle de la lumière du coucher de leur île. La lune prendra le relai et posera sur la mer des reflets de cuivre martelé. 


Demain, les Sabias auront une toute autre allure, les vents auront tourné et sont à présent plein sud. La plage est méconnaissable mais toute aussi sublime. La mer est délavée dans des tons gris vert brassés, comme lessivée par la force du vent. Au loin, le socle rocheux du château est en pleine séance de jacuzzi géant. Les vagues sont maintenant formées et laissent sur le sable des traces d’écume éphémère, qui parfois vole dans les airs, comme des flocons d’été.

En haut de la plage, sur la dune, on distingue une ou plusieurs silhouettes hypnotisés par le spectacle mais qui surveillent également que les bateaux amarrés ont le coeur et l’encre bien accrochés. 


Ainsi vont Les Sabias, anse à l’équilibre parfait des éléments qui la composent : taille, sable, rochers frôlent le sur-mesure. Et puis ce petit quelque chose en plus, que je ne saurais expliquer mais qui m’oblige à m’y rendre régulièrement, dès que j’ai la chance de retourner sur l’ile. Se poser sur un rocher, contempler l’horizon, marcher, respirer les Sabias, faire le plein d’une énergie iodée et de bonnes vibrations que je pourrais utiliser comme un anticyclone, en cas d’une humeur météo que je qualifierais d’instable...


Merve’YEUsement vôtre