dimanche 16 septembre 2018

la rentrée en 6ème dans tous ses états (d'âme)


"Alors cette rentrée, ça s’est bien passé ? "
Ne me dîtes pas que vous n’avez pas dans votre entourage a minima une personne forcément bienveillante qui vous a posé cette question saisonnière, comme s’il s’agissait d’un évènement catégorie examens de fin d’études supérieures ou d’obtention du permis de conduire ?
Personnellement, à l’heure où je rédige ce post, je me considère encore en période d’examens parce que cette foutue rentrée à tendance à prendre ses aises et s’imposer au-delà d’une simple journée.
Je dirais même que la rentrée, finalement elle se déclenche quand tu franchis la porte du magasin Bureau Vallée (de la fourniture scolaire), ou que tu essaies de slalomer avec ton caddie dans les 3 ou 4 rayons Carrefour dédiés à cette p… de rentrée ! "Fourniture", Rien que d’écrire ce mot, j’ai envie de fuir, loin très loin, au-delà du rapporteur à double lecture ou du protège cahier 24x32 à rabat transparent.

Tout a commencé par un beau samedi matin de fin août, à deux semaines de la rentrée. Record battu pour moi qui jusqu’à présent, effectuai les courses le dernier week-end des vacances. Mais là, "on ne joue plus dans la même cour", expression fort à propos vous en conviendrez ; mon fils Watson rentre en 6ème Mesdames Messieurs ! Et qui dit cycle collège, signifie liste de f….ures à rallonge. En pénétrant chez Bureau Vallée, je fus prise par une sensation d’étouffement, de cahierophobie à me retrouver dans un espace entièrement consacré à l’univers classérale. Très vite je me précipitai vers un vendeur, maton de la canson 220 g et de la boite de pastel sec ou gras, qui tout de suite me proposa ses sévices services :
- Oh oui bien sûr que vous pouvez m’aider. Si je vous confie ma liste, vous  pouvez vous en charger et je repasse dans une heure ?
Manifestement, j’avais franchi la marge rouge et me retrouvai seule en compagnie de ma liste écrite dans une  police minimaliste. Non seulement la liste état à la Prévert mais en plus, elle était illisible pour toute population originaire de la presbytie. Constatant ma perdition, le maton de la canson me suggéra de ne pas raisonner par matière mais plutôt de faire des regroupements par typologie de f…ures, avant de me lancer dans des achats désordonnés voire déraisonnés. Son conseil me fit sans doute gagner un temps certain, même si je sortai de l’enseigne au bout d’une bonne heure, épuisée avec comme qui dirait, une mine de papier maché.

Cette première étape franchie, il restait encore beaucoup à faire à commencer par identifier chaque f…ure à sa matière, histoire d’aider Watson à se repérer dans cette profusion de cahier grands carreaux, aux formats et nombres de pages hétérogènes et de crayons aux mines pas encore fatiguées. Je me lançai donc dans une grande opération "balance ton post it" sur les cahiers et classeurs, en vue dénoncer leur anonymat et permettre à Watson d’apprivoiser son bulletin  butin scolaire.
L’étape suivante eu lieu le week-end précédant la rentrée ; l’achat de tenues vestimentaires correctes. Contrairement aux années précédentes, Watson, à sa demande, m’accompagna dans les boutiques. Jusqu’à présent j’avais carte blanche, Watson n’étant que très peu intéressé par l’étoffe (des héros). Ce jour-là fut le jour le plus long  de la réflexion du pantalon, sans compter  les tentatives pour obtenir une typologie de vêtements aux antipodes de ma conception (sans doute un poil trop relou à son goût), tels que le survêt’ à capuche ou la chaussure Air Nike planant totalement au niveau du tarif... Après quelques heures de shopping, je rentrai à la maison non plus accompagnée de mon petit garçon mais de mon fils qui sur le plan vestimentaire, commençait à me donner du fil à retordre...

Et puis vint le jour J, celui de LA rentrée ! Watson, pour le premier matin de sa vie, mit les petits pieds dans les grands : il se para de ses nouvelles chaussures "trop stylées", ajusta sa mèche à l’aide d’ablutions raisonnées et chargea sur son dos l’inévitable "East Pack", cartable hautement tendance comme sans doute le "sac US" de notre génération.
Mon mari Sherlock et moi-même l’accompagnâmes histoire de faire le deuil de 8 années de primaire avec ses récréations à répétition et ses superfétatoires TAPS (temps d’apprentissage périscolaire) dont l’objectif pédagogique reste à ce jour un grand mystère…
300 élèves furent appelés nominativement ; Watson fut le tout dernier de la liste… Mais ne dit-on pas que les derniers seront les premiers ? En tous cas, j’en ai la foi…
Faut-il parler de la phase remplissage de papiers administratifs qui se répète d’année en année, avec cette piquante sensation de redonner inlassablement les mêmes informations, à l’époque ou le stockage de données n’est un secret pour aucune face de bouc ?

Après le stress de la première journée,  celui  des premiers trajets, seul, en bus alors que jusqu’à présent, Watson n’avait qu’à sortir de l’immeuble pour se retrouver au pied de son école. Et s’il rate son bus, si le bus ne passe pas ? Et s’il loupe son arrêt ? Oh ne riez pas, je suis loin d’être la seule à me torturer de la sorte. Coupe le cordon Charlie !! Par la force des choses et la distance du bus, le cordon sous tension finira bien par lâcher et tirer sa révérence. Mieux vaut tard que jamais me direz-vous. Alors surgit dans nos esprits de parents angoissés, la solution du téléphone portable que nous avions jusqu’à présent réussi à rejeter avec force conviction :
- Un téléphone en 6ème !! Non mais Watson, tu déraisonnes ! On en reparlera en 3ème.
Dix contre un que la hotte du Père Noël ne reste pas insensible à ces appels du pied de l’SMS illimité.
S’en suivent les premiers devoirs où les parents se replongent dans toutes sortes d’exercices qui font vibrer nos souvenirs de collégiens. Alors que Watson cherche à retrouver au plus vite sa manette de sa XBOX, on aimerait lui transmettre notre enthousiasme, à revivre le passé d’une époque qui nous a tous tant marqués : le passage chez les grands, la découverte de nouvelles matières avec des professeurs qui subissent inlassablement en début d’année scolaire, l’intransigeante note de gueule :
- Elle est bien ta prof principale ? Tu as Mme Vivon ? il parait qu’elle est grave sévère celle-là etc…
La réunion de parents d’élèves permet à chacun d’entre nous d’asseoir notre jugement face au speed dating du corps professoral qui pour la plupart utilise sans réserve le jeu de la séduction.
Comme un pull en laine mis par erreur dans la machine à laver, les soirées semblent avoir  définitivement rétréci : entre les devoirs à vérifier/corriger/compléter, la supervision du cartable à préparer en fonction des exigences psychotiques de chacun des professeurs, la vérification du sac de piscine du lendemain pour éviter l’oubli du maillot de bain, l’heure du dîner est largement dépassée.
Nous rentrons donc à présent dans la phase de rodage, celle qui permet de procéder aux derniers ajustements,  en dénichant sur Amazon les fournitures introuvables nulle part ailleurs et en vérifiant que la note fournie par le collège "Comment aider votre enfant à réussir son entrée en 6ème, est totalement assimilée, pour éviter le hors sujet.
Bienvenue dans le monde de la copie grand format perforée mais pas trop, de l’emploi du temps à trous et de l’interrogation surprise : "Comment aider les parents à réussir leur rentrée de 6ème". Vous avez 2 heures. 













dimanche 2 septembre 2018

Speed Reading ou jamais sans mon livre #4




Histoire de bien attaquer cette rentrée qui malheureusement n’est pas que littéraire, je vous propose mes trois meilleures lectures parmi plusieurs ouvrages que j’ai pour la plupart appréciés mais qui ne rentrent pas forcément dans mon palmarès de bien être absolu, avant l’arrivée des feuilles mortes. Dans le désordre : "Fief", David Lopez (bien, ambiance jeunes de banlieue, écriture étonnante), "Le jardin secret" de Kate Morton (bien, atmosphère à la Daphné Du Maurier), "L’arménien" de Carl Pineau (sur Kindle, bon policier dans le Nantes des années 80), "Changer l’eau des fleurs" de Valérie Perrin  (sympa malgré un sujet qui à tort peut repousser), "Le premier jour du reste de ma vie" de Virginie Grimaldi (bien mais pas le meilleur à mon avis), "Il est grand temps de rallumer les étoiles" de Virginie Grimaldi (alors là d’accord).
Avant de vous parler de mes trois Best Of XXL, laissez-moi vous annoncer que j’ai enfin fait l’acquisition d’une liseuse Kindle début juillet et que je surkiffe l’objet. Alors oui, j’avoue que le contact est différent et je me vois mal sentir ma liseuse comme je le fais quasi systématiquement quand je suis en possession d’un ouvrage papier.
Les trois livres n’ont a priori rien à voir et pourtant, un sujet commun pourrait être celui des occasions que la vie nous procure ou l’importance des relations humaines.

UN MATIN ORDINAIRE - MARJORIE TIXIER
Un marathon  vers la vie
Ce livre, je ne l’aurais jamais acheté si petit 1, je n’avais pas eu ma liseuse, petit 2, je ne m’intéressais pas à l’auto-édition et les concours réguliers proposés par @LIBRINOVA.
Marjorie est la grande gagnante du concours lancé par LIBRINOVA sur le thème "Un merveilleux malheur" ou comment rebondir après un événement catégorie insurmontable. Quand je pense que je ne l’ai acheté que 0,99€ dans le cadre d’une opération promo, à peine le prix d’une baguette festival, alors qu’il pourrait nourrir une armée de lecteurs affamés qui dévorent sans complexe. Que les liseurs papier se rassurent, le livre est également disponible dans son costume imprimé.
Quelle claque ! Quel talent ! L’histoire d’une femme qui au cours d’un jogging fait une mauvaise rencontre…
Le lecteur progresse dans l’histoire, grâce aux narrateurs qui diffèrent à chaque chapitre,  tantôt  la victime, son père, son mari, ses deux filles, la  voisine, le policier et sa conjointe, l’agresseur lui-même, sa femme. Chacun y va de sa version, de sa perception, son interprétation. Le procédé est génial : comme dans une pièce de théâtre, on découvre progressivement le déroulé exact des évènements, le rôle de chacun et surtout ce que l’accident de parcours aussi sordide soit-il, développe de positif  et de bénéfique pour l’ensemble des protagonistes. Et ce qu’il y a de plus fort, c’est la capacité de l’auteure à nous mettre successivement dans la peau d’une femme violée et d’une mère vidée, d’une voisine aigrie, un peu vulgaire, hyper commère, d’un mari introverti timide et manquant d’initiatives, de deux filles aux caractères si opposés, d’un père et grand-père fragile mais qui recolle les morceaux…
Ce livre est réellement bluffant par son intensité, son style, son rythme et les ondes positives déposées délicatement au fil des pages. Je ne serais pas étonnée que Marjorie Tixier revienne rapidement nous conter en tout cas, c’est ce que je lui et nous souhaite.

MISSION HYGGE - CAROLINE FRANC
Roulés à la cannelle, bienveillance et plaids moelleux
J’ai acheté ce livre parce que je suis avant tout fan de Caroline Franc. C’est elle qui, il y a trois ans maintenant, m’a donné cette envie d’écrire et de créer ce blog. Merci Céline B de m’avoir parlé de son blog parce qu’il a été pour moi une véritable révélation (www.penseesbycaro.fr). C’est une personne attachante, drôle, pétillante dans sa vie de tous les jours auprès de son mari, de ses enfants et amis. Sa pratique de l’autodérision est exemplaire et ses conseils de vie, à conserver dans un dico.
Alors quand ce nouveau livre est sorti, je n’avais pas d’autres choix que de l’acheter, entièrement consciente de ce qu’il pouvait représenter pour elle, une sorte d’aboutissement d’un rêve qui ne date sans doute pas d’hier.
C’est l’histoire d’une reporter de guerre, une baroudeuse qui ne vit que pour son travail et qui en matière de relations humaines a beaucoup à apprendre tout simplement parce qu’elle refuse d’apprendre. Excédé par son attitude agressive et condescendante vis-à-vis de ses collègues mais également inquiet de la voir s’ignorer et passer à côté de sa vie, son patron décide de la missionner sur un reportage un peu particulier : se rendre au Danemark pour enquêter sur le village Gilleleje devenu depuis peu, le village où les gens sont les plus heureux de monde. Nous partons donc avec Chloé au pays de la bougie et assistons à la libération progressive de ses émotions depuis trop longtemps prisonnières. A l’image des vélos sans cadenas dans les rues, Chloé prend conscience des bénéfices de l’ouverture aux autres dans un climat local de confiance absolue.
"Ca n’est pas parce qu’on est triste qu’on est obligé d’être malheureux."
C’est drôle, touchant à l’image du Blog penséebyCaro. Caroline François a ce don bien à elle de diffuser des ondes positives dans tout ce qu’elle écrit, la reine du Carpe Diem.
C’est en refermant ce livre que j’ai enfin compris ce que signifiait le terme "feel-good book. Oui ce livre fait du bien, énormément de bien. Je m’imagine déjà le reprendre cet hiver en cas de crise de grisaille ou d’averses excessives.
Hygge, Hygge, Hygge hourra !

LES VESTIGES DU JOUR - KASUO ISHIGURO
Raffiné comme une tasse de thé
Quel plaisir de relire ce livre 20 ans après ma première lecture. Cet ouvrage me fait l’effet d’une gourmandise de style. Le narrateur est un majordome anglais en fin de carrière, qui profite d’un  voyage au fin fond  de la campagne anglaise pour se remémorer les évènements marquant de sa vie au service de "sa Seigneurerie", dans la maison de Dalingthon Hall durant l’entre-deux guerres. Dit comme cela, ça n’envoie pas du rêve mais je puis vous assurer quil s’agit d’une plus que pépite. A commencer par le style : le narrateur n’est autre que le majordome qui s’adresse au lecteur dans un style précieux, guindé comme le sous-entend la profession. Pour vous donner une idée, je me suis surprise à associer inconsciemment la voix de Jean Rochefort à la lecture du récit. Ce livre est surprenant pour sa capacité à passer du rire, à la mélancolie, et parfois même aux larmes. Stevens le majordome n’a qu’un objectif en tête, exercer son métier selon deux principes fondamentaux : loyauté envers son maitre et dignité absolue quels que soient les évènements. On y découvre le rôle d’un majordome dans ces grandes demeures britanniques aux effluves de cigares et de Porto vieilli. Stevens explique qu’il est parfois plus simple d’avoir à s’occuper d’une vingtaine de convives que de seulement deux personnes : "C’est lorsque deux personnes sont à table, que l’on a le plus de mal à réaliser cet équilibre entre la prévenance et une illusion d’absence qui caractérise un service de qualité."
Les échanges entre le majordome Mr Stevens et l’intendante Miss Kenton sont savoureux. C’est une véritable compétition dans l’art de la joute verbale en porcelaine.  Les deux se tirent la bourre pour être le plus efficace et n’hésitent à dénoncer les erreurs observées telles que la présence d’une goutte au nez d’un domestique apportant une collation :"il me semble que ce style de service n’est peut-être pas de nature à stimuler l’appétit.", autrement dit, comment peut-on servir avec la goute au nez ?
Au fil des pages on découvre un majordome esclave de sa mission, incapable d’une quelconque démonstration d’affection, de lâcher prise, passant à côté de la mort de son père et des appels du pied de Miss Kenton, amoureuse incomprise. Dévoué corps et âme à son maître, il en occulte inconsciemment les tendances antisémites et pro hitleriennes.
La destination de son voyage n’est autre que de rendre visite à Miss Kenton pour des retrouvailles incertaines, dignes d’une assiette anglaise.