dimanche 4 mai 2025

Un week-end haut perché ou comment voir la vie en rose




Dans son livre "Le Sel de la Vie", l’auteure Françoise Héritier traque toutes ces choses agréables qui ponctuent notre existence et dont les souvenirs nous émeuvent, en nous faisant prendre conscience de la valeur de chaque instant. De retour après trois jours délicieux passés dans le Perche chez une précieuse amie de longue date et avec sa Maman, j’éprouve cette irrésistible envie de poser par écrit ces instants privilégiés en petit comité, au travers de balades et de conversations multiples, dans une ambiance paisible aux senteurs de lilas.

Une chambre "avec vue", apaisante, dorée par un soleil généreux, avec cette délicate attention de déposer dans un vase, une branche de lilas fraîchement coupée pour l’occasion de ma venue,

Un vide grenier local qui anime un village le temps d’une journée, épaulé par une buvette qui ne désemplit pas et qui créée des envieux auprès des exposants, qui  en cette fin de journée, commencent à remballer,

Des agriculteurs dans leurs champs, qui ignorent le 1er mai et qui fêtent le travail au volant de leurs tracteurs,

Une dinette au champagne dont les bulles et les derniers rayons du soleil nous font pétiller de bien-être,

Un réveil en douceur par des oiseaux bavards que la nuit a brimés,

Un running matinal au travers d’une forêt bienveillante et d’une route champêtre qui parfois casse le rythme,

Une petit déjeuner aux saveurs de miel local qui s’abandonne sans vergogne sur du Poilâne grillé embaumant la cuisine,

Un instant de puzzle qui hypnotise le temps,

Des pages de lecture savourées sur un banc, éblouissantes au soleil et qui se tournent seules, à la force du vent, 

Une soirée aux allures de l’été, avec une grande tablée : des oncles, des tantes, des cousins, du vin et des saucisses grillées. Les discussions se croisent et les rires s’amplifient,

Un crumble aux fruits rouges qui débordent de son plat et laissent sur les rebords blancs, comme des traces artistiques d’une bougie consumée,

Quelque étoiles bienvenues dans un ciel de Normandie et des effluves de purin dont on se priverait bien,

Un petit tour au marché pour récupérer les indétrônables pâtisseries du coin commandées la veille, puis partager un verre en terrasse, au gré de nos rencontres imprévues,

Des promenades à pied où la cadences des échanges est plus rapide que nos pas, 

Une orage inattendu et des grêlons pas vraiment maigrichons qui s’invitent par le conduit de la cheminée 

Et puis au coin du feu, des discussion profondes sur les liens d’une famille et les épreuves de vies.

Un week-end qui s’achève avec ce sentiment de repartir regonflé par ces moments de partages d’exception où voir la vie en rose n'est pas qu'une expression mais une leçon de vie...

dimanche 2 mars 2025

Les "bails" relous #2 : le mec qui prend son temps à la caisse



J’aime à croire que l’agacement que je m’apprête à décrire et qui traduit une carence évidente en capital patience, ne touche pas uniquement les femmes sujettes à la (pré)ménopause dont j’ai la joie d’avoir rejoint le clan.  Cette situation se produit forcément le jour où l’on n’a vraiment pas le temps pour ces conneries, parce qu'elle risque de nous mettre en retard sur notre programme à suivre.

Je viens de finir mon plein de courses hebdomadaires dans ce supermarché plein à craquer du samedi et je fais donc la queue devant une des caisses depuis déjà une bonne dizaine de minutes, en espérant ne pas être en retard pour mon rendez-vous booké chez l'esthéticienne depuis des mois. Il ne reste plus qu’une personne devant moi, un homme d’une quarantaine d’années. Son caddie est bien rempli et je me fais la réflexion qu’un homme qui fait les courses, ce n’est pas encore très fréquent. Je suis donc plutôt admirative parce que lorsque que j’étais en couple, la question ne se posait même pas, c’était toujours moi qui m’y collais. 

Et puis le doute s’installe quand il commence à sortir un à un les produits pour les poser sur le tapis roulant de la caisse. Moi perso, je suis plutôt du genre pelleteuse, limite si je pouvais faire basculer le caddie directement sur le tapis, ça m’arrangerait. Alors que lui, non seulement il prend son temps pour les extraire un a un de son chariot mais en plus il les trie : le liquide avec le liquide, les produits d’entretiens ensemble etc… Là tu commences à te dire que ça va être long, très long. Tu as affaire à un psychorigide qui en plus, fait en sorte que les articles soient tous bien alignés les uns avec les autres. Et puis comme si ça ne suffisait pas : 

"Monsieur, vous avez oublié de peser les navets. 

- Ah bon, ça se pèse les navets ?"  

Dis, au lieu de discuter, décide-toi, tu les prends ou pas ? Lancent mes yeux Kalachnikov, ce qui ne sert strictement à rien car le personnage ignore totalement les clients derrière,  sauf quand il poursuit par une blague relou : 

"Quel navet je suis". 

A cet instant précis, pour mesurer son potentiel comique, il observe son auditoire pris en otage, en l’occurence la file qui patiente. Je suis face à lui, la bouche ouverte, je pense à une caméra cachée. Lui part peser tranquillement ses pu…de navets et revient tout aussi calmement 2 ou 3 minutes plus tard. 

Bien sûr pour ranger ses courses une fois scannées par l'hôtesse de caisse, c’est le même scénario : il les saisit un par un délicatement pour les mettre dans des sacs à contenu homogène : les fruits avec les fruits, le salé avec le salé. Ah merde il a fait une erreur, il a mis son pain de mie avec les articles d’hygiène. Je le regarde littéralement fascinée comme Thierry Lhermitte dans "Le Dîner de cons" : j’ai mon champion. II est seul au monde, vit dans la dimension du ralenti.  Il s’apprête à payer donc on est en droit de se dire qu’on approche de la fin du calvaire. Non, il cherche dans ses poches en flirtant*avec la caissière (*terme désuet mais tellement approprié au personnage), sort son portefeuille, tout en continuant sa discussion qui semble prioritaire : 

"C’est fou ce que vous avez comme monde en ce moment, ça doit pas être facile tous les jours". 

Mais barre toi connard !

il saisit une première carte dans son portefeuille, la regarde quelques secondes puis finalement la range pour en choisir une autre. Il indique à la caissière qui sait garder son calme (grand bien lui fasse) qu’il paiera un partie par carte et le reste en monnaie. Je suis subjuguée, parce que bien évidemment, il tarde pour sortir ses centimes qu’il a a du mal à trouver dans son porte monnaie en cuir qui date des années Goldorak. Et puis il s’en va sans un "merci" ni "aurevoir". 

C’est à présent mon tour. La caissière me regarde et me dit :

"C’est fermé vous n’avez pas vu la lumière rouge ? Nan j’déconne". 

lundi 17 février 2025

Lettre à Violette Dorange

 



Chère Violette,


Alors que depuis quelques jours, malgré votre retour sur terre, vous subissez une nouvelle tempête mais celle-ci médiatique, tout s’agite autour de vous ; vous naviguez tout naturellement d’un plateau d’émission à un autre et surfez sur des vagues d’admiration qui parfois vous submergent. Comme pour le Vendée Globe, vous traversez cette première expérience avec une profonde humilité et semblez parfois flotter sur cette déferlante d’engouement qui vous dépasse. 

Invitée sur le plateau de "Quelle époque" avec Léa Salamé, vous faites dire à David Foenkinos cette phrase qui résume l’essentiel : "Je voudrais simplement vous remercier parce que vous nous procurez de l’admiration et ça nous fait du bien. On a besoin de héros et d’héroïnes donc grâce à vous, on se sent mieux aussi." 

A ma façon, je voulais également vous dire merci pour nous avoir partagé ces embruns d’enthousiasme, d’émotion, de détermination mais aussi de passion et de maturité. Vous avez enrichi notre sel de nos vies. 

Si j’étais votre mère je serais plus que fière et si j’étais la mer, je me serais extasiée devant votre comportement exemplaire face aux éléments d’une Nature parfois violente. Malgré la déception et quitte à perdre des places au classement de la course, vous ralentissez votre rythme pour maintenir le cap, celui d’aller au bout d’une aventure rêvée, depuis plusieurs années. 

Votre prénom Violette et Dorange votre nom, une identité propre qui cumule des couleurs d’arc en ciel souvent visibles en haute mer. La couleur d’une fleur qui rappelle la fraîcheur et qui dans ses significations, incluent la modestie. On ne peut qu’acquiescer tant votre discrétion et celle de vos parents vous honorent. Orange comme un soleil dont les rayons du soir, ont à plusieurs reprises fait pétiller votre regard pour le plus grand bonheur de tous vos followers. Confortablement installés dans nos salons chauffés, ou bien dans les transports, nous, "suiveurs" assidus, traquons régulièrement vos dernières vidéos. Elles agissent pour la plupart comme un remède anti-morosité. Malgré la solitude, les galères de réparations, les moments de stress et de fatigue, vous nous partagez votre mental d’acier et votre enthousiasme de tous les instants. Sur nos écrans de téléphone, vos deux billes marrons et votre irrésistible sourire nous font tous chavirer. Vous nous racontez la mer, vos rencontres inoubliables avec les albatros vos compagnons de route, les passages qui vous font rentrer dans l’histoire comme celui du Cap Horn. Vous partagez votre quotidien, vos repas déshydratés qui finissent par vous lasser, la découverte de vos cadeaux et votre coin photos. 


Dans votre salopette de skipper, minuscule point rouge au milieu de l’océan et seule maitre à bord de votre embarcation, votre entourage n’est jamais loin et vous apporte son soutien. Rien ne semble vous arrêter, pas même le moteur cassé. Votre esprit de compétition reste malgré tout intact et vous transforme en guerrière. Après Léon Marchand qui impressionne sous l’eau, vous, la plus jeune navigatrice du Vendée Globe, fascinez sur les eaux. 

Quand vers la fin du tour, d’une voix toute tremblante, vous racontez votre frayeur tout en haut de ce mat, malmenée par des vagues levées, nous mesurons votre courage pour éviter le naufrage. Il est temps de rentrer même si à quelques milles de l’arrivée, vous évoquez déjà la nostalgie de cette aventure unique.


Votre retour aux Sables-d’Olonne est tout aussi spectaculaire : cerné par des dizaines d’embarcations, votre bateau "DeVenir" semble glisser sur les vagues de la victoire et le réglage des voiles traduit l’osmose parfaite vécue pendant ces quelques mois. Sodebo et Mac Do ont tiré le gros lot ; à quand le Mac Dorange ?

Puis vous ralentissez, vous affalez les voiles, votre équipe monte à bord pour vous féliciter et vous laisse savourer votre arrivée grandiose de cette course mythique. Plus de 100 000 personnes ont fait le déplacement et vous acclament sans fin. Vous êtes hallucinée, et l’on lit sur vos lèvres des centaines de "merci". 

Vient le trop bref instant de Papa et Maman : des bras qui se resserrent, des yeux brouillés de joie, quelques mots échangés dans une flot de pudeur pour ne pas voler la vedette au public rassemblé. Nous partageons de loin, l’émotion de votre chère famille et admirons leur accompagnement dans l’accomplissement de vos rêves.


Le Vendée Globe s’achève mais votre détermination pour le projet DeVenir auprès de la Fondation Apprentis d’Auteuil, force aussi le respect. Après cette course en solitaire, vous êtes avant-tout solidaire. Depuis votre arrivée, vous donnez sans compter en toute simplicité, mentionnez votre équipe avec un enthousiasme permanent. Malgré cette soudaine célébrité, pleine de lucidité, vous gardez votre cap, celui de donner un sens humain à ce projet sportif, ce qui fait probablement de vous la première des skippers qui contre toute attente, souhaite avant tout garder les pieds sur terre…


Merci pour cette leçon de vie, de générosité.


Respectueusement.