Watson mon fils,
Ça y est, c’est fait, tu as ton BAC. Pour découvrir les résultats, tu as voulu retrouver tes copains au lycée, histoire de vous soutenir en cas de besoin. J’aurais pu de mon côté, les consulter en ligne mais j’ai préféré que ce soit toi qui m’annonce le verdict. Ce moment t’appartenait quelle qu’en soit la tonalité, triste ou joyeuse.
Alors quand tu m’as appelée à midi pile et qu’au travers d’un brouhaha de sons typiques d’ados aux voix qui déraillent de leur voie de l’enfance, je t’ai entendu hurler à plusieurs reprises : « j’ai mon bac Maman, j’ai mon Bac », j’en aurais sauté de joie, comme sans doute des milliers de parents au même instant soulagés, et qui depuis leurs lieux de travail, laissent discrètement échapper une larme gorgée de souvenirs de leurs enfants.
Je peux te l’avouer maintenant même si tu le sais déjà, je n’étais pas vraiment sereine. Mais tu avais tout fait pour : alors que depuis Pâques, je m’acharnais à rentrer régulièrement dans ta chambre pour te rappeler l’importance des révisions, la vision de ton espace de vie était loin de me rassurer : toi d’abord, casque sur les oreilles, à réviser avec une assiduité qui force le respect l’option jeux vidéos en ligne. Quelques feuilles de cours à moitié chiffonnées sur un coin de ton bureau sous ton foutu clavier, ou par terre entre deux châteaux de fringues indistinctement propres ou sales… et quand le dimanche qui précède le début de tes épreuves, tu m’annonces que tu ne retrouves plus ta calculatrice, je frôle (seule) la crise de panique. Et puis le premier matin d’examens, alors que tu déambules au radar dans l’appartement sans laisser transpirer un soupçon de nervosité (sans doute en pleine médiation pour l’épreuve de philo à venir), je me coince le dos en me brossant les dents…Nos attitudes extrêmes équilibrent parfaitement la balance de l’évènement.
Les jours des examens, je fais en sorte de télé travailler pour anticiper un éventuel problème de transport qui te ferait louper une épreuve (ce qui ne te déplairait pas forcément). Mon attitude te fatigue et tes réponses ont la tonalité de l’agacement : « Oui maman j’ai ma carte d’identité et ma convocation », yeux en l’air et soupirs obtiennent la mention "Très bien" sans les félicitations de moi, ton jury.
Tu passes tes épreuves écrites avec un sentiment de réussite plutôt mitigé pour chacune d’entre elles, ce qui me laisse perplexe mais j’essaie tant bien que mal de ne rien laisser paraître. Tu reviens de ton grand oral agacé par des "questions débiles" et dont tu n’avais pas de réponses à formuler devant ce p… de jury non acquis à ton irrésistible charme.
Alors quand tu m’appelles, je la verse aussi cette larme qui en plus d’avoir cumulé une dose de stress pour deux, contient des litres de souvenirs à commencer par cette FIV miraculeuse il y a presque 18 ans. Avec ce nouveau diplôme le chapitre de ta scolarité se referme : les punitions multiples comme les lignes à copier 50 fois "je dois être plus sage en classe", les commentaires des maitresses "Watson n’a rien d’autre à faire que dessiner sur ses cahiers, aucun travail en 1h30", sur plusieurs de tes bulletins, les appréciations pleines de bon sens quand on connait la direction : "plus de travail amènerait plus de résultats, la facilité n’est jamais bonne conseillère", tous ces vestiges écrits sont aujourd’hui de formidables pépites que tu prendras plaisir à lire à tes enfants d’ici quelques années.
Je suis fière de toi Watson de tout ce que tu es, de ta nature profonde, de ton humour irrésistible, de ta maturité, de tes choix, de ce que tu dégages du haut de ton mètre 80 et de ta moustache (horriblement) naissante. Trace ta route et sois fier de ce que tu es.
Va, vis et deviens.