mardi 21 août 2018

Vis ma vie de maman angoissée par la colo




Occuper ou garder ses enfants l’été est toujours un casse-tête asiatique (ça pète plus que chinois) pour nous pauvres parents (hyper) actifs. La planification des vacances prend des allures de plan de table d’un mariage que l’on refait une bonne douzaine de fois avant d’arriver au résultat que l’on imagine parfait de notre point de vue (image du monde).
C’est un savant mélange de centres de loisirs, activités sportives, gardes alternées en fonction des disponibilités des parents, petits tours au bureau de Papa ou Maman, semaines à rallonge chez les grands-parents en province ou formules colonies de vacances.
Alors cet été, je me suis lancée pour tester la solution colonie ; je dis "je" parce que le sujet de l’organisation des vacances s’invite quasi systématiquement à la Villa de la célèbrissime Charge mentale.
Notre fils Watson, 11 ans avait rapidement accepté la proposition d’autant plus que j’avais dégotté LA colonie stage de foot intensif. La perspective de partir seul loin de nous, ne semblait lui poser aucun trouble psychologique. Moi-même à quelques semaines du départ, je me sentais plutôt sereine d’autant plus que mon capital patience avoisinait les zéros à la vue d’un Watson dont la seule partie de son corps en mouvement résidait dans ses mains littéralement collées à la manette de sa console ou ses doigts à la recherche de la vidéo la plus insignifiante sur You Tube…

Tout a basculé le jour du départ, au moment de la préparation du sac. Munie de la liste envoyée par le club de colo, je m’affairai à rassembler les quantités excessives de certains vêtements demandés pour 5 jours : 5 serviettes de bain !! Nan mais pourquoi pas 2 serviettes par jour tant qu’on y est pour essuyer une vingtaine de kilos de peau tout mouillé ! Inquiète d’oublier quelque-chose, je relisai une bonne dizaine de fois la liste et fut obligée de tout ressortir pour m’assurer que les slips et chaussettes, je n’avais pas omis. La constitution du sac fut accompagnée de conseils donnés à un Watson non pas captivé par les propos de sa maman d’amour mais captif de sa tablette et pour qui, les recommandations ne faisaient manifestement que transiter par son cerveau :
- Watson, tu peux laisser cette tablette, je voudrais te dire deux mots sur ce que je mets dans ton sac?
Aucune réaction. Moi excédée et rouge de chaleur du fer à repasser resté allumé dans une pièce d’appartement foudroyée par l’effet canicule :
- Watson tu m’écoutes !! Je t’ai mis un sac pour ton linge sale ; tu mettras dedans tes affaires au fur et à mesure.
- Oui maman.
- Fais attention à tes vêtements ;  tu as deux sweat alors tache de ne pas les perdre
- Oui maman.
- Et n’oublie pas de changer de slip tous les jours. Ne laisse pas ta serviette en boule après ta douche sinon elle ne sèchera pas !
- Oui maman.

Et puis s’en est suivi le trajet de deux heures en voiture durant lequel à son grand désespoir, j’en profitai pour vérifier qu’il maîtrisait le contenu de son bagage. Petit cours pratique également du laçage de ses chaussures, la réalisation de la deuxième boucle n’étant que très peu maîtrisée, ce qui pour un footballeur était proche du carton rouge.
Alors que Watson à l’arrière de la voiture, exploitait les derniers kilomètres pour admirer non sans une certaine nostalgie, sa ma tablette, je sentais monter en moi le stress d’une séparation inévitable : ma boule d’angoisse prenait à présent des allures de ballon. Une fois sur place,  la décontraction du bonhomme se dégonfla à la vitesse d’un ballon de baudruche. On nous donna une copie du planning et le numéro de téléphone du Directeur à utiliser pour joindre nos enfants "si besoin". Ne pouvant à peine parler, je laissai mon mari Sherlock dribbler sur les dernières questions. On partit ensuite installer Watson dans sa cellule chambre.
Moi faussement décontractée, la maman cool quoi :
- Oh mais regarde Watson, tu as deux copains avec toi. Bonjour les garçons vous vous appelez comment ?
Eux du bout des lèvres :
- Kevin et Mehdie
- Ah super ; ben lui c’est Watson. Et vous venez d’où ?
- Du 9/3
- Ah génial ! Nous on vient du 7/8, vous connaissez ? C’est là où s’entraine le PSG
- C’est bon Maman ça va aller.
Après une dernière embrassade que Watson écourta pour ne pas "se taper la honte", Sherlock et moi-même rejoignîmes la voiture pour regagner notre banlieue. Alors que Sherlock ne cessait de répéter en boucle que "cette semaine allait faire à Watson le plus grand bien", je listais intérieurement mes (quelques) points d’inquiétude : j’aurais dû lui mettre un autre pull, est-ce qu’il va réussir à s’endormir ? Je lui ai mis une casquette ou pas ? Dîner à 19h ? Il n’aura jamais faim à cette heure-là !

Le lendemain après une matinée de torture au bureau à me demander s’il avait bien dormi, mangé, pissé, n’y tenant plus, je profitais du temps calme indiqué sur le planning pour l’appeler sur le téléphone du Directeur : n’avait-il pas précisé qu’on pouvait les joindre "si besoin" ? Après 18 heures de patience, besoin il y avait ! Watson était aux anges, tout se passait nickel. Du coup, je pris sur moi pour l’informer que je ne le contacterais plus de toute la semaine et que lui ne devait le faire qu’en cas de problème. Bizarrement, il sembla intégrer cette contrainte beaucoup plus facilement que moi.
Les jours de la semaine s’écoulèrent avec une sérénité dépendant des photos mises à la disposition des parents au quotidien sur Facebook. Je scrutais chaque photo en mode gros plan pour vérifier toutes les expressions de visage de Watson. Voir Watson en arrière-plan complètement flou, ou reconnaitre juste un bout de jambe d’une photo mal cadrée suscitait chez moi des élans de félicité.
Et puis à la veille de le récupérer, alors que j’étais à présent totalement sevrée de son absence et que je savourais presque cette pause maternelle, un message laissé sur le répondeur de mon "marai" vint troubler cette parenthèse idyllique. Comme dans tous les dossiers administratifs liés à Watson, j’avais pris soin de renseigner sur la fiche d’inscription, le numéro de téléphone de Sherlock pour les "en cas d’urgence", ne mesurant que très difficilement ma capacité à conserver mon calme dans ce genre de circonstances. A moins de 24 heures des retrouvailles, Watson avait jugé spirituel de se fracturer le poignet en se prenant pour Hugo Lloris, ce qui lui valut un petit tour aux urgences locales accompagné du Directeur du centre.
C’est donc un Watson avec le bras droit plâtré que l’on récupéra le lendemain. Son statut de "premier blessé de la saison" lui conféra une certaine célébrité aux yeux des animateurs et de tous ses copains, ce qui manifestement lui procurait entière satisfaction.
Je ne parlerai pas de l’état du sac récupéré : un amas de choses sales mélangées avec le propre, un nombre étonnamment élevé de slips non utilisés,  un sweat en moins et des serviettes encore humides. Bref j’étais ravie de constater que la totalité des consignes données le jour de départ avait été scrupuleusement ignorée.

Quant à moi, à peine un pied dans la voiture, sur le chemin du retour, mon état d’apaisement qui avait donc duré une paire de jours, fut intégralement remplacé par une invasion névralgique de  questions et raisonnements à rallonge sur fond de scénarios catastrophes dont je suis experte : 3 semaines de plâtre ! Et comment il va faire pour écrire ? Et à la cantine ? Qui va lui porter son sac ? ? Et si son plâtre est prolongé ? Faudra peut-être l’opérer ? C’est sûr il va redoubler !
Cela étant, avant d’envisager cette rentrée "mal à droite", il reste encore deux semaines et en quinze jours, il peut s’en passer des choses non ?
Angoisseusement vôtre.

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