Lors de ma première escapade vers
la Capitale, je devais avoir 18 ans. Quelle ne fut pas ma stupéfaction de
constater que la majorité des franciliens vivait en appartement ; et oui, moi
petite provinciale naïve et sans doute surprotégée, habitant depuis ma naissance
dans une maison que l'on pourrait qualifier de bourgeoise, je ne pouvais
imaginer une seule seconde résider autrement.
Cette année Sherlock et moi
fêtons nos 18 ans dans le même 3 pièces de 66 m2, sans le moindre regret, bien
au contraire. La vie résidentielle en appartement est aussi passionnante
qu'étonnante et les rencontres, enrichissantes.
Pourtant, emménager dans une
nouvelle résidence n'est pas forcément chose aisée. Votre arrivée fait l'objet
d'une vaste curiosité des locataires ou propriétaires ; votre profil, votre âge, statut marital, peuvent donner lieu
à une première impression sans détour :
- vous êtes jeunes, débarquant à
deux, sans enfants, vous constituez un potentiel de nuisance sonore à haut
risque pour la cage d'escaliers.
- Vous êtes homme ou femme
célibataire, vous faites l'objet de questionnements : vivre seul de nos jours ne
constitue pas la normalité : "Tu l’as rencontrée la nouvelle du
second ? Elle a l’air bizarre non ? Y a beaucoup d’hommes qui
lui rendent visite tu ne trouves pas ?"
- Vous faîtes partie du troisième
âge, on vous considère d'emblée comme détenteur d'un capital de tolérance
proche du niveau 0, bref vous êtes vieux donc potentiellement dangereux et qui
plus est, un emmerdeur.
Règle numéro 1 et 2 pour tout
nouvel arrivant, faire preuve de politesse et de discrétion pendant les
premières semaines ; votre intégration en dépend. Et force est de constater que
si vous arrivez avec un nouveau-né ou de jeunes enfants, ces derniers seront un
véritable vecteur de communication et d’intégration. Nous l’avons vécu Sherlock
et moi : par le simple fait de constater que mon ventre s’arrondissait,
notre voisinage est enfin entré en communication avec nous, après 3 ans d’ignorance
totale et parfois déstabilisante.
Et des voisins depuis maintenant
18 ans, nous en avons côtoyés. Ce qu'il y a de passionnant dans une cage
d'escaliers, c'est qu'en quelques étages, on y retrouve tous les acteurs de la
vie dans ce qu'il y a parfois de plus caricatural. C’est en quelque sorte un véritable microcosme de notre société.
En voici deux premiers portraits
véridiques, catégorie assistantes maternelles.
Comme beaucoup de cages
d’escaliers franciliennes, un appartement a minima est occupé par une
"Nounou".
Toute bonne assistante maternelle
qui se respecte, privilégie un logement en rez-de-chaussée pour plus de
commodités, rapports aux poussettes et compagnie. Depuis que nous sommes ici,
nous en avons rencontrées deux.
La première, une femme d’une
cinquantaine d’années, divorcée, grande, brushing parfait couleur Donald Trump,
lunettes, visage fermé, cernes plus que visibles, bref rien de très engageant. Appelons la
Monique celle qui sans doute aimerait bien rire quand…
Nos relations avec elle n’ont
jamais dépassé le bonjour/bonsoir mais le passage obligé devant son appartement
nous a permis d’assister à certaines scènes et de déceler quelques traits volontairement
cachés de sa personnalité.
L’accueil du matin et du soir sur
le pas de la porte, se fait avec un large sourire ; elle donne l’impression
de les aimer ces enfants, de savoir s’y prendre avec eux, ce qui bien sûr
provoque l’effet escompté : la maman bourrée d’anxiété de laisser son
enfant toute une journée, se sent totalement rassurée. Ce qu’elle ne sait pas,
c’est qu’une fois les parents partis et la porte de l’appartement fermée,
l’assistante maternelle tombe le masque, passe son temps à fumer des clopes sur
le balcon, laisse les enfants hypnotisés devant la télévision, crie
régulièrement lorsqu’ils pleurent parce que son capital patience n’est pas
surdimensionné comme on pourrait l’imaginer. Elle sait retrouver son calme et revêtir son
masque de bienveillance et de parfaite assistante lorsque l’heure d’arrivée des
parents approche.
Ces quelques morceaux de sons de vie
volés derrière la porte, nous ont convaincus Sherlock et moi de ne pas la
sélectionner pour notre propre fils même si le fait de l’avoir dans notre cage
d’escalier, constituait un véritable luxe. Ceci dit, notre choix sur une
assistante maternelle basée un peu plus loin sans expérience, n’était pas non
plus très "safe" ; comme tous bons nouveaux parents, nous
avions insisté pour qu’elle confectionne des repas équilibrés histoire d’éviter
le gavage aux petits pots ou aux purées couleur caca vert : cette dernière
était particulièrement fière de nous annoncer avoir remplacé les petits pots
par… des pâtes et des lardons.
Elle était également une parfaite
adepte de l’entraide permanente de la télévision tout en prenant grand soin de
l’éteindre quand nous sonnions ; comme si nous étions dupes, discrètement
nous nous approchions de la télé pour la toucher, elle était brulante d’avoir
travaillé sans pause sur l’ensemble de la journée.
Revenons-en à notre Monique
(celle qui ne rit toujours pas) : elle n’est pas restée plus de deux ans
dans notre résidence. Peu de temps avant son déménagement, nous la croisions
souvent le dimanche sortant de chez elle hyper apprêtée, comme si elle partait
au Dancing retrouver son compagnon bien décidé à la dérider et donc à la faire
rire, enfin c’est tout le mal qu’on lui souhaite...
Quant à la seconde, c’est
amusant (même si finalement ça n’a rien de drôle), de constater quelques
similitudes : en rez-de chaussé également, adepte de la multi pause
cigarettes, des cernes jusqu’au plancher (enfin jusqu’au lino, type de sol
recommandé par les assistantes maternelles). Beaucoup plus jeune (la
trentaine), 2 petites filles de 2 et 9 ans et un compagnon. Bref une situation
a priori plus équilibrée que notre Monique. Nous l’appellerons Jennifer. Nous
la connaissons bien Jennifer car Watson et l’une de ses filles sont du même
âge. Du coup, on discute régulièrement avec elle quand on rentre le soir ;
son compagnon est infirmier donc peu souvent présent ; elle a par
conséquent besoin de compagnie et est souvent plantée le soir, devant sa porte
d’entrée à discuter le bout de gras avec qui prend le temps de s’arrêter. C’est
là que je réalise que ce travail n’est pas des plus simples et que changer des
couches, faire des "areu areu" toute la journée, ça va bien deux secondes.
Alors je comprends mieux les cernes. Mais il faut dire que Jennifer ne met pas
les chances de son côté : chez elle, comme animal de compagnie, un furet… Pas
sûr que la présence de cet animal sauvage et puant favorise des demandes de
parents à la recherche de l’ultra sécurité et d’une hygiène irréprochable pour
leur progéniture.
Et puis cette pauvre Jennifer
cumule les ennuis : c’est le seul appart à avoir des problèmes de
chauffage l’hiver, ses meubles penchent bizarrement avec le temps (enfin c’est
ce qu’elle raconte), et pour couronner le tout, son mec la trompe. Ça, on le
sait grâce à Sherlock : un jour en descendant les poubelles, il s’est
retrouvé devant l’appartement de Jennifer dans lequel une engueulade était plus
que perceptible :"Comment tu peux m’faire ça ? C’est qui cette
pouffe ? Une infirmière ?" Electrochoc totale pour notre voisine, qui du jour au
lendemain a fait preuve d’effort de maquillage même râté, histoire de
récupérer… son homme (encore une expression que je déteste). Elle cumule notre
Jennifer ; elle est pourtant tellement gentille et toujours là pour
dépanner l’un d’entre nous : du coup, elle a les clefs d’une partie de la
cage d’escalier car en période de vacances, elle s’occupe des fleurs, du
courrier, de la fuite d’eau, de nourrir les bêtes… Et oui, parce que Jennifer en
plus de ne pas montrer de signes d’épanouissement dans son travail et dans sa vie
privée, ne peut pas se permettre de partir en vacances car n’en a pas les
moyens. C’est en côtoyant les difficultés des autres qu’on se rend compte que
finalement on est ultra privilégié.
Allez je m’arrête là pour cette
fois. A venir : la famille catalogue, Mamie Zinzin, la famille dépassée, les occupants carte vermeil, la
communauté portugaise, les ados qui s’tripotent, et j’en passe et des
meilleurs !
Et comme dirait Pierre Perret :"Chacun voit midi à sa porte…et les trous dans les chaussettes du voisin". Désolée.
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