Je ne sais pas si vous vous souvenez de ce film WORKING GIRL, sorti début
des années 90 avec Harrison Ford et Melanie Griffith : l’histoire d’une
jeune femme, Tess, qui trouve un poste d’assistante et qui gravit les échelons
grâce à une idée lumineuse permettant à la société de se développer. Bref, un film pleins de bons sentiments et qui à
l’époque, m’avait fortement marquée toute naïve et midinette que j’étais.
Je rêvais d’être un jour cette "Tess" (dont l’interprète
Mélanie Griffith à l’époque n’était pas encore gonflée de silicone voire poreuse
d’alcool et qui se tapait l’un des mecs les plus sexy de la planète). Et je me
souviens encore de la dernière scène du film où on la voit, dans son bureau
individuel, assise dans son grand fauteuil et regardant vers l’extérieur, le
sourire aux lèvres, les gratte-ciel adjacents. Un superbe cliché de la réussite
sociale…à la sauce américaine.
Bein si j'fais la comparaison, moi aussi chuis une Working Girl ;
j’ai un bureau de 5m2 pour moi toute seule, un fauteuil en
"tissusse" et j’peux même voir de ma fenêtre le HLM d’en
face !
Tout ça pour dire que nous allons un peu parler vie professionnelle vu
que ça occupe 80% de nos journées. J’ai pas l’intention de vous raconter ce que
je fais (même ma famille n’a jamais rien compris) mais de vous expliquer ma
relation au travail. Pour la comprendre, remontons un peu le temps.
Très jeune, je voulais être journaliste ; enfer et damnation dans
une famille où la profession dominante est la fonction médicale ; ma sœur
ainée s’est précipitée corps et âme dans cette voie.
Pour ma part, je ne me voyais pas "farfouiller dans le corps des
autres" (Henning Mankell, Les bottes suédoises, page 20). Pourtant, j’en
ai bouffé pratiquement à tous les repas de la conversation sur des opérations
d’appendicite de 20 cm, des foies gras, de varices en 3D, de poumons farcis..
J’en aurais bien fait un reportage mais… : "Non Charlie, ça n’est pas
une bonne idée, le journalisme c’est bouché". Aaah "bouché", terme ô combien
déjà à la mode dans les années 90.
Bah du coup, je me suis orientée vers une filière école de commerce
sans vraiment savoir c’que j’voulais faire, comme beaucoup d’ailleurs sans
doute, qui se laissent 3 ou 4 années pour "murir leur projet
professionnel". Perso j’ai rien mûri du tout pendant 4 ans mais j’ai bien
rigolé. Et puis après ces brillantes études, la cooptation aidant
(cooptation=coup de pouce d’une connaissance pour obtenir un rendez-vous /
différent du piston où là, que tu sois un bon candidat ou pas, t’étais embauché
parc’qu’un proche était cops de golf avec le PDG), donc la cooptation aidant,
chuis rentrée dans une PME orientée Marketing et puis une seconde. Ces deux
premières boîtes ont été une sorte de continuité de ma Business School ;
l’ambiance était jeune, festive, détendue et j’y ai rencontré plusieurs
personnes devenues aujourd’hui des amis. Y avait du boulot mais qui se faisait
dans un bon esprit, les gens ne se prenaient pas au sérieux ; et côté
fiestas y avait du lourd !! Qu’est-ce que j’y faisais comme travail ?
J’pourrais plus volontiers vous raconter des souvenirs de soirée que des
souvenirs de boulot…
Et puis un jour, grâce à mon "réseau" (si t’as pas de
réseau, t’es pas bankable), j’ai eu l’opportunité de rentrer dans un grand
groupe français et j’y suis maintenant depuis 12 ans. J’ai occupé plusieurs fonctions
différentes ; mon boulot m’intéresse toujours mais côté ambiance, c’est
sûr que c’est moins fun qu’avant. Et puis manager des collaborateurs proches de
la retraite plus obtus les uns qu’ les autres, c’est un vrai challenge.
J’avoue que parfois, comme beaucoup d’entre nous, je me demande si mon
travail a un sens ; la question à se poser est plutôt comment donner du
sens à son boulot parce que sinon, on s ‘rait des milliers à déclencher une
dépression !
C’est sûr que si j’avais été médecin, j’vous accorde que sauver des
vies ça a du sens mais à quel prix (nuits sans dormir, un salaire de la peur
par rapport au rythme et temps consacré…). J’pourrais aussi tenter la
mission humanitaire mais finalement de l’humanitaire, j’en fais déjà avec mes
collaborateurs… j’ai l’impression que j’attire les cas sociaux…
Ahhhh le management, valoriser, faire monter en compétence, faire
preuve d’exemplarité bein parfois ça pête les couilles (oups), parce qu’on
a plutôt envie de leur dire de se sortir les doigts (re oups) ; surtout
que généralement, on hérite d’une équipe qu’on n’a pas choisie et c’est là que
potentiellement les emmerdes commencent. Bon vous l’aurez compris, le
management, je ne cours pas après mais force est de constater que j’y ai le
droit dans toutes mes fonctions ; il parait que chuis pas trop mauvaise.
C’est sûr que je ne suis pas du genre à être contente de moi au boulot, j’me la
pète pas et quand j’parle ou anime des réunions, j’évite de mettre à toutes les
sauces des :
- A mon sens,
- A la marge,
- Il faut cranter,
- In fine,
- En mode projet,
- J’entends c’que tu me dis, (encore heureux)
- Co construction,
- Dont acte,
- Je vous ai poussé un mail, (et alors il s’est fait
mal ?)
- Toute chose égale par ailleurs.
Chuis pas non plus du style à envoyer des mails à minuit pour faire
genre je bosse. D’ailleurs généralement, quand j’arrive chez moi, je déconnecte
du boulot et je n’en parle pas à mon "marai", sauf en cas
d’évènement majeur du style, Bernard de la compta a couché avec Lucette de la
RH.
En fait j’essaie d’être au boulot comme à la maison, en supprimant
quelques tics verbaux type "dans ton c…"
Et avec un
peu de maturité professionnelle je sais même remplacer :
- "Tu
fais chier" par "Je ne partage pas ton analyse",
- "J’en
ai ras-cul"par "Je crois que j’ai besoin de faire un
break"
- "Ce
dossier est une grosse daube, bouge ton cul, recommence", par "J’ai
lu ton dossier avec attention : peut-être pourrais-tu étoffer la
partie… ",
- "Démerde-toi" par "N’hésite pas à me solliciter".
Mais je sais
aussi que je peux être une chieuse qui s’attache à des petits détails mais pour
moi ils veulent dire beaucoup : le titre non centré sur une présentation Powerpoint,
la faute d’orthographe, la police non uniforme et caetera.
Et puis
enfin, je sais très bien faire comprendre par un simple regard quand c’est pas
l’jour tout en restant polie, ça va de soi. C’est vrai
que parfois j’envie mes amis qui travaillent à leur compte ; j’me verrais
bien ouvrir un gîte (whou le cliché de la parisienne qui rêve de Larzac) mais
en fait, j’crois que je ne supporterais pas la moindre critique négative sur
TRIPADVISOR ou la tâche indélébile sur le canapé du gîte, alors qu’on vient
juste d’en racheter un tout neuf…
Pour résumer
mon travail est mon ami ; comme tous les amis, parfois il me saoule,
mais chuis bien contente de l’avoir ; mère au foyer, c’est pas mon trip. J’ai un
entourage professionnel surprenant (on en reparlera), et le plus important mon
équilibre vie professionnelle/privée est au top. Alors, comme disait
Letizia BONAPARTE (ça pète comme référence), "Pourvu que ça dure."
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